40. Tokyo, jour 5
- jean-claudedunyach
- il y a 5 jours
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Pour être cuisinier à Tokyo, il faut avoir une voix de stentor. Dans les restaurants, y compris celui de l’hôtel, les noms des plats sont vociférés d’un coin à l’autre, reprit par le serveur qui dribble et lobe le second serveur pour envoyer la balle au cuistot le plus proche. C’est beau comme du Messi en pleine action. Et c’est un peu bruyant, aussi, mais on s’habitue.
Grand changement aujourd’hui : au lieu de visiter un musée et d’enchaîner sur le jardin le plus proche, on a décidé de commencer par le jardin (rassurez-vous, le musée viendra après – il y a même une exposition en plein air dans une jolie rue). Et une photo que j'aime vraiment bien...

Donc, ragaillardis par un petit déjeuner copieux, nous partons d’un pas tranquille vers la station de métro qui nous conduira à notre destination, le jardin de Kiyosumi. En cours de route, je cueille une statue de héros de manga, un libraire en train d’ouvrir son échoppe, minuscule et bourrée d’ouvrages entassés jusqu’au plafond. On traverse un quartier d’habitation typique : plus de gratte-ciel, mais des petites maisons, des échoppes traditionnelles, des gens âgés, tout courbés, qui font leur course ou qui flânent. Ça change de notre hôtel…
Le jardin de Kiyosumi est un des plus beaux Tokyo. En plus d’être magnifique et intime, il abrite un mémorial du poète Bashô, célèbre pour ses haïkus (on a gravé l’un d’eux sur une pierre noire, face à une mare qu’il aimait). Parce que le plus étonnant, c’est que ce quartier de Tokyo était totalement désert il y a trois siècles. C’était un coin sauvage, quasiment inaccessible, dans lequel Bashô avait établi son ermitage pour ne pas être dérangé. Aujourd’hui, l’endroit fait partie du centre-ville et Tokyo s’étend sur plus de cent kilomètres tout autour.
Bref, c’est un magnifique jardin. Avec son lot habituel d’étangs peuplés de carpes et de volatiles divers, plus quelques tortues et une abondance de moustiques.
Peu de visiteurs, pourtant l’entrée est à un prix très modique et on nous a fait la réduction spécial vieillards sur présentation de nos passeports. On escalade des sentiers, on saute plus ou moins gracieusement sur des pierres pour traverser des ruisseaux. Je me récite des haïkus dans la tête pendant que Régine admire les lanternes japonaises.
En sortant, on se dirige vers le musée d’art contemporain, situé à vingt minutes de marche. La chance fait que nous choisissons une rue dont les deux côtés sont bordés par des assemblages (j’hésite à appeler ça des statues) qui ressemblent à des dessins d’enfants pour Halloween qu’on aurait réalisés en trois dimensions. L’explication nous est fournie un peu plus loin : il y a un musée local qui organise des événements pour les gens du coin…
On fait une pause tempura dans un minuscule restaurant. Je commande par erreur un plat de trop (commande effectuée via le site web du restaurant dont la traduction en anglais ne tient pas ses promesses !). Pas grave, tout était délicieux et l’addition totale atteignait à peine 23 euros.
C’est avec l’estomac trop plein qu’on a attaqué le musée d’art contemporain. Avec courage, nous avons pris un billet pour toutes les expositions, ce qui fait qu’on y a passé une bonne partie de l’après-midi. Comme dans tous les musées de ce type, on oscille entre le « c’est quoi ce truc ? »

et le « J’aime bien, sans pouvoir nécessairement dire pourquoi ».
Il y a même une mini exposition consacrée à une espèce de cinglé qui est devenu riche en vendant des durians, ces gros fruits jaunes à l’odeur épouvantables (au point qu’ils sont interdits dans les hôtels et les lieux publics), et qui a fondé un label musical qui lui sert aussi à faire la promotion de ses fruits…
Cela dit, une partie du musée est consacrée à l’évolution des courants artistiques japonais depuis la Seconde Guerre mondiale. Les explications, en anglais, laissent penser que chaque crise (la guerre, bien sûr, mais aussi les grands tremblements de terre et les tsunamis, les catastrophes économiques, etc.) a entraîné l’apparition d’un mouvement spécifique auquel une salle entière est consacrée. Il y en a une par décennie, environ. C’est une vision du Japon faite de fractures et de résiliences à laquelle on ne s’attendait pas. Depuis, ça me trotte par la tête, comme un reste de mauvais rêve.
On a acheté le livre d’art d’une des expositions, on a flâné entre diverses sculptures géantes et on s’est décidé à rentrer. Ici, la nuit tombe vite, il fait noir à 17 heures, les gens commencent à manger encore plus tôt. Nous, on s’est contenté de grignoter deux ou trois trucs qui nous restaient d’hier soir. Le repas de midi comptait double.












































































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